La naissance du Mouvement Noir AméricainDe la Reconstruction à l'Aube Noire)
Je ne gâcherai pas votre temps en citant ici l'ensemble des personnages remarquables de cette période, de Joséphine Baker à Langston Hughes en passant par Ida B. Wells, Duke Ellington, W.E.B Du Bois, Louis Armstrong ou Cab Calloway. Tout le monde connaît ces noms, vous pouvez consulter Wikipedia pour cela. J'aborderai plutôt le sujet depuis ma propre perspective, en tant que femme américaine de couleur, en y incluant quelques propos rapportés de mes grands parents, qui vécurent en ces temps turbulents.
On pourrait facilement dire que les personnes de couleur, nommément les noirs – oui, j'utiliserai ce mot pour décrire un groupe ethnique dans son entier, étant peu tolérante envers le politically correct qui imprègne les médias et qui cherche à cacher des vérités douloureuses en prétextant que ce qui sort de la bouche de quelqu'un heurte les sentiments de quelqu'un d'autre - que les noirs donc, endurèrent l'enfer et firent ce qu'ils purent pour améliorer leur pauvre situation, au moins pour faire naître ce mouvement dans la période née des lois Jim Crow. Selon ces lois promulguées entre 1876 et 1965 et qui constituent l'un des principaux éléments de la ségrégation aux USA, noirs et blancs étaient « séparés mais égaux », en réalité séparés et NON égaux, avec un grand NON (Cette idée est d'ailleurs encore bien vivante aujourd'hui aux Etats-Unis - si vous avez des questions tapez « violence police urbaine » dans votre moteur de recherche).
Descendants d'anciens esclaves - Alabama, 1937
Je continue et traiterai donc de cette période entre la Reconstruction et le Mouvement Néo-Noir, plus connu sous le nom de Renaissance de Harlem, malgré le fait que ce mouvement excède le seul quartier de Harlem à New-York.
Près de 200 ans après sa fin et alors qu'il existe encore des débats pour savoir quand elle commence et quand elle finit, la Reconstruction couvre la période entre la fin de la guerre civile américaine et le milieu ou la fin des années 1880. Je trouve horriblement injuste qu'on dise que cette période fut celle où les noirs s'éduquèrent, surtout aux Etats-Unis. Même si c'était de manière complètement illicite dans le Sud, les noirs et les gens de couleur en général savaient lire, écrire et que tout ce qui va avec, de la même manière qu'ils avaient leurs propres cultures qu'ils avaient réussi à sauvegarder de leur voyage depuis l'Afrique, traditions maintenues vivantes oralement et visuellement, alors même que lire et écrire étaient interdits sous peine de torture ou de mort par les blancs (certaines de ces traditions sont aujourd'hui toujours vivantes bien que diluées par rapport à leur origine africaine).
Une des choses importantes dans ce qui est arrivé fut le mélange entre les cultures africaines et européennes et en particulier l'Eglise Noire (il y a des similitudes entre Eglises noires et blanches, mais aussi d'énormes différences).
L'Eglise noire est un intéressant mélange entre d'anciennes célébrations paganistes accompagnées de toutes sortes de gémissements, de courses, de hurlements, de musiques, de danses (ce que l'on appelait « getting the Holly Ghost ») et d'autres choses, trop nombreuses pour être abordées ici (Voyez Wikipedia). Pourquoi est-ce que je vous parle de ça ? Tout simplement parce que la religion EST justement ce qui ce qui permit au peuple noir de supporter l'esclavage. L'Eglise était la seule chose que les blancs permettait aux noirs dans les plantations et pour laquelle blancs et noirs étaient égaux – elle sera plus tard utilisé comme une arme par le Ku Klux Klan avec les incendies d'églises (fléaux que nous voyons réapparaître aujourd'hui).
La chose la plus important qui sortit des champs et des églises fut la musique (J'en dirai un peu plus sur ce thème dans un prochain article).
A cette époque, les noirs inventèrent de nombreuses choses, disons par nécessité. Ces inventions, on les utilise encore aujourd'hui mais on considère en général qu'elles vont de soi : les voitures couchettes, l'air conditionné, la réfrigération, la première transplantation cardiaque, le feu rouge. Ces inventions étaient rarement brevetées par leurs créateurs mais bien plutôt par des blancs (La vérité se fit jour et ces inventeurs récupérèrent leur dû, voyez Wikipedia pour en savoir plus).Cela dit, avant même la Renaissance de Harlem, les noirs américains jouaient un rôle important dans la société, par exemple dans le mouvement des suffragette pour les femmes noires américaines. Certaines se firent remarquer en tant que reporters ou entrepreneurs (Ida B. Wells, Madame C.J. Walker). Le salon de Lelia Walker joua un rôle énorme dans le mouvement de l'entre deux guerres, lançant les carrières de Langston Hughes, Zora Neal Hurston, Cab Calloway, Duke Ellington, Fats Waller, ainsi qu'une multitude de styles musicaux : scat, ragtime, jazz. Les grands leaders afro de l'époque étaient Marcus Gravey, W.E.B. Du Bois, Alain Locke et beaucoup d'autres.
Madame C.J. Walker (1867-1919)
Les artistes de cette période furent les précurseurs de notre culture moderne, du R&B au Blues, Hip-Hop, Rap, graffiti, hip-hop, jusqu'à la mode (Josephine Baker rendit célèbre Jean Patou aux Etats-Unis...).
Les racines de tout ceci se trouvent ici, dans le Sud des Etats-Unis (C'est d'ailleurs où je vis), nommément dans cette région connue comme le delta du Mississipi, là où vivait le plus grand nombre d'anciens esclaves noirs. Il y a un dicton américain qui dit que quand on est pauvre, il est bon de faire quelque chose de constructif pour se divertir. Or, aussi terrible que cela puisse paraître, les blancs américains aimaient beaucoup se faire divertir par les noirs, d'où la domination des noirs dans des sports comme le football américain, le basketball, l'athlétisme et leurs talents en tant que chanteurs, peintres ou artisans (voyez la beauté de certaines anciennes plantations dans le Sud des Etats-Unis, construites par des noirs plutôt que par des européens).
Tout ceci culmina dans la naissance du Mouvement Néo-Noir et malgré ce que les livres d'histoire en disent, ce mouvement ne s'est jamais terminé mais s'est transformé en quelque chose d'autre, pour le meilleur et pour le pire. A suivre (prochain article)
NB : Il s'agit ici des opinions de l'auteur et de personne d'autre. Pour plus d'informations sur les sujets traités, visitez Google et Wikipedia.
Marian A.B.
www.mneseek.fr (partage de liens internet culturels)
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