Propos recueillis par Julien Guerraz, le 15 Janvier 2018
Julien Guerraz : Je voudrais d'abord te remercier d'avoir accepté cette interview et de me recevoir dans ton cabinet. Quels sont les événements, les rencontres, les prises de conscience, qui t'ont amenée à devenir énergéticienne ?
Martine Duchêne : Depuis toute jeune, je me pose des questions sur le sens de la vie. Je suis née à la campagne, donc, dans une proximité avec la nature, et alors que j'étais jeune, j'étais déjà très observatrice. Je gardais les choses pour moi, n'ayant pas de référence extérieure, longtemps je me suis sentie en décalage avec le monde, comme si nous ne parlions pas le même langage. Comme personne ne parlait mon langage, j'ai fini par apprendre le langage traditionnel. Puis j'ai fait la rencontre de diverses personnes - j'ai fait mon premier stage de développement personnel en 1986 -, des personnes grâce auxquelles je me suis aperçue de toute ma sensibilité, de mes capacités. Beaucoup de choses ont alors pris du sens, j'ai découvert tous mes possibles... J'ai toujours été créative, d'abord en milieu scolaire puis comme artiste libre, avec mes enfants ou dans les boutiques où je vendais mes créations.Puis cette créativité s'est transformée et aujourd'hui je crée des ateliers où la personne est amenée à contacter, à retrouver son véritable élan de vie. Alors que j'ai mis tant d'années à trouver mon élan de vie, ma force primordiale, ma source, j'accompagne aujourd'hui les gens à trouver cette source, cet essentiel et à laisser vivre cet essentiel, qui avait été non pas étouffé mais ignoré. Dans ma famille on ne me demandait pas mon avis, on ne me demandait pas de parler, mais petit à petit, je me suis révélée à moi même, j'ai pu mettre des mots sur mon ressenti, j'ai pu prendre confiance en moi et toucher finalement à l'essentiel, ceci dans une relation de plus en plus puissante avec l'unité. Pour moi il s'agit d'aller contacter cette vibration d'unité qui est de plus en plus subtile, il s'agit d'aller de plus en plus la contacter et de se rendre compte que nous sommes ensemble, que nous sommes des êtres ensemble. C'est aller de plus en plus au cœur de Soi qui fait s'agrandir la Vie ensemble.
JG : A ce propos, tu écris sur ton site: « Globalement dégagé-e-s de nos limitations par le développement personnel, nous pouvons maintenant aller vers plus de créativité ensemble, plus de conscience relationnelle, plus d'intelligence collective ». Il s'agit bien, il me semble, du lien entre un développement « personnel » et l'ensemble. Il me semble que pour pouvoir s'épanouir dans le collectif et y trouver du sens, il faut une certaine assise individuelle, une certaine confiance. Mais pour revenir à l'essentiel, tu écris aussi sur ton site : « "Pour devenir une véritable humanité choisissons le chemin de l'Essentiel ; c'est une responsabilité individuelle et collective". C'est une phrase très profonde. Quel est ce chemin de l'essentiel dont tu parles ?
MD : Pour moi, le chemin de l'essentiel passe par l'intériorité. La relation intérieure, la relation à soi-même... Le développement de l'observateur intérieur est une des clés majeures. Il y a plusieurs degrés dans cet observateur mais il est difficile pour moi d'en parler. Je pense qu'on apprend par l'expérience, plus que par les mots. Lire quelque chose dans un texte ou sur un site est une chose, mais le vivre dans ses cellules en est une autre.La méditation est un chemin pour aller vers le subtil, vers ce qui nous unit, c'est un chemin de conscience et de vie ensemble pour aller vers son élan de vie, sa raison d'être, c'est ce que j'appellerais le chemin vers l'essentiel. Cela se traduira de manière différente pour chaque personne, mais cela reste quelque chose d'énigmatique, c'est un peu comme si on n'avait jamais fini d'aller plus loin pour toucher l'essentiel.
JG : Cela me fait penser à un panneau que j'avais accroché chez moi, il y a une dizaine d'années, avec la phrase : « Ce qui compte vraiment, au plus profond de nous même ». Ne penses-tu pas que pour pallier à une certaine confusion il est nécessaire de « s'épurer », en quelque sorte ? La méditation joue ce rôle.
MD : Au fur et à mesure que l'on avance en conscience, on met des choses de côté, mais c'est une conséquence. Par exemple, si l'on a l'habitude de boire trop de café et que l'on décide d'arrêter, il est possible qu'on fasse une autre compensation. Alors que si l'on passe 15 jours à la montagne et qu'on se passe de café, on se dira : « Tiens, je suis en train de vivre quelque chose d'autre ». Il ne s'agit pas de se faire violence. Pour moi, le chemin de l'intériorité se fait pas à pas. Il est plus utile de se mettre « en ouverture à », plutôt que de vouloir s'extraire. Ce n'est pas parce qu'on fait reculer l'ombre que la lumière arrive. C'est parce qu'on vit plus son état lumineux que l'on s'affranchit pas à pas des dualités. Pour revenir à ce que tu disais sur le travail individuel et collectif, on peut toujours faire un travail individuel, comme un travail collectif. Mais si on ne fait pas un minimum de travail individuel, on va venir dans le collectif avec son bagage. La question est : comment se sert-on de notre personnalité ? Est-ce une personnalité au service du bien commun ou une personnalité encore en phase d'apprentissage, c'est à dire prise dans des besoins de base qu'elle n'a pas encore assouvis ?
JG : Tu parles d'une « permaculture humaine à révéler »...
MD : Ici nous avons un coin de nature, il y a une rivière qui coule, des arbres, de l'herbe, de la pluie. Il y a des cailloux au fond de la rivière et puis la lumière du soleil à travers les nuages. Or, aujourd'hui, la rivière est très grosse. Elle déplace certaines pierres, fait que les canards vont plus loin, que certaines plantes vont être dans l'eau, que peut-être des graines vont arriver et qu'au printemps elles pousseront. Nous sommes donc dans un écosystème vivant, où tout est toujours en mutation. La permaculture est la conscience qu'on met dans la culture. La « permaculture humaine » veut dire que tout est en mouvement, tout le temps. Tout s'adapte, il n'y a rien de faux, les choses ne s'opposent pas l'une l'autre. Par exemple, pour reprendre l'exemple de la rivière, il n'y a pas une branche qui va refuser d'être mouillée. Si l'eau monte, la branche va être mouillée, elle va peut-être pourir, peut-être casser, peut-être faire plus de feuilles, mais il y a une acceptation du changement.Finalement il n'y a rien de nocif, tout fonctionne pour le profit de l'ensemble et il y a de la mort-renaissance tout le temps. Il n'y a pas de rétention d'énergie. Pour moi qui fais des soins énergétiques, l'énergie passe tout le temps. On essaie de rétablir l'énergie, de faire que l'énergie circule, que ce soit en groupe ou à l'intérieur des gens. Par exemple dans le corps d'une personne, l'énergie circule parce que le sang passe, la respiration se fait, le systèmme nerveux fonctionne. C'est un écosystème qui fonctionne tout seul et aucune fonction, aucun organe ne dit : "moi je prends toute l'énergie pour moi". Sauf que quand on est malade, on s'aperçoit que toute cette énergie est là mais qu'on n'est plus disponible pour faire autre chose. On voit là qu'il y a un blocage énergétique. Et je pense que dans les années qui viennent, d'ailleurs certains le font déjà, on pourra se soigner soi-même pour rétablir le circuit énergétique. La permaculture c'est mettre de la conscience.
JG : On pourrait appliquer cette idée au corps social, finalement à tout écosystème... Ce que tu me dis me fait aussi penser au taoïsme, au fait de se laisser aller dans le cours des saisons, dans ce changement spontané du monde.
MD : Je pense que c'est lorsqu'on tente de s'extraire de ce mouvement de vie, ou si on n'en a pas conscience, qu'on est blessé. Par exemple il fait froid, je prends un pull. Si on mange des aliments de saison, on est en accord avec les rythmes de la nature et avec les besoins de notre corps.Cela est valable à tous niveaux.
JG : On en vient au thème que tu as défini pour cette année : la conscience d'être ensemble.
MD : La conscience de l'être ensemble est pour moi fondamentale. Une fois qu'on a un peu plus conscience de notre existence personnelle, de nos qualités, de notre état créatif, on se rend compte que ce qui nous unit tous, c'est l'être. On existe, il y a quelque chose qui est. Et l'être ensemble a toujours été là. En étant dans la conscience de l'être ensemble, on résout quelque part notre questionnement de sens de vie d'être humain. Et en vivant de plus en plus cette conscience de l'être ensemble, tout ce qui relève de la guerre, du séparatisme, de l'égoïsme disparaît, parce que nous sommes une seule et même vie.Pour moi ça va plus loin que des mots. C'est permettre dans des ateliers, des conférences, des soins énergétiques de toucher cela, en nous et en groupe. Et en groupe quand il y a une intelligence collective qui se développe, on se rend compte qu'on a cette capacité de l'être ensemble, et que cette capacité va faire advenir l'unité sur terre. Cela passe par la souveraineté individuelle, par l'état de don de chaque cellule. La souveraineté, c'est voir qu'on est à 100% responsable de ce qu'on fait, de ce qu'on pense, de ce qu'on dit. Cette responsabilité crée comme un état de plénitude intérieure, ainsi qu'une conscience de nos capacités, de nos qualités.Et ce don de nous mêmes à un groupe par exemple, dans notre propre état souverain, c'est à dire avec nos limites, nos valeurs, c'est comme une cellule qui joue son rôle, sa note. C'est quand même un état poreux dans le sens où on partage de l'unité, de la vie, mais avec sa spécificité. On ne se perd pas, mais on fait quand même partie d'un ensemble. C'est ce que j'appelle l'état souverain : la conscience d'être et en même temps de pouvoir se donner complètement. Et s'il arrive quelque chose à l'autre, je ne vais pas simplement dire : c'est son problème, mais je ne vais pas non plus le prendre en charge, ou lui faire porter quelque chose, ou le rendre victime. Je ne suis pas dans ce triangle bourreau-victime-sauveur. Je suis plutôt dans le rôle d'une personne secure, qui reconnaît ses talents dans un acte créatif et qui veut juste jouer son rôle d'ETRE humain.
JG : J'aimerais qu'on parle maintenant de ton activité de modelage.
MD : Chaque mois, à l'Espace Aurore à Aix-les-Bains, je propose des ateliers « Toucher Terre » où je pratique la méditation. J'invite donc les personnes à se retrouver elles-mêmes, à se laisser guider par la méditation et ensuite à avoir une relation à la terre et à laisser s'exprimer leurs mains. On peut venir à ces ateliers parce qu'on a besoin de développer sa créativité, parce qu'on aime toucher la terre ou qu'on a besoin de retrouver la paix, la confiance en soi, ou de pouvoir être soi-même quand d'autres personnes sont présentes. La terre permet d'exprimer des choses qu'on ne connaît pas d'avance mais qui font partie de nous. Des émotions peuvent se libérer, des talents ou des idées. Il s'agit d'un espace privilégié de paix et d'écoute intérieure qui contribue à construire la souveraineté.
JG : Personnellement, je fais un peu de dessin et quand je dessine, je suis bien, en paix. Mais j'en fais très peu voire pas du tout.
MD : Il y a des choses comme ça qui sont épanouissantes pour nous, mais on n'arrive pas à trouver du temps pour les pratiquer...
JG : Peut-être que ça fait un peu peur, c'est un saut dans le vide... Peux-tu me parler des massages énergétiques, que tu pratiques ?
MD : Je fais du massage depuis 15 ou 20 ans. J'ai développé un toucher intuitif qui était en moi. Pour être plus précise, il y avait dans mes mains des choses qui se passaient et que je ne comprenais pas. J'ai donc fait des formations et j'ai reçu certaines clés. Les soins énergétiques que je pratique sont intuitifs et personnalisés ; ils tiennent aussi compte de la demande de la personne... Ils permettent à la circulation énergétique de se faire de manière plus harmonieuse. Je ne masse pas forcément de façon traditionnelle, cela peut être un toucher très léger, de petites vibrations ou du souffle. Il y a des dégagements qui se font à plusieurs niveaux. Plus j'ai pratiqué le massage plus cette capacité de soin s'est développée.La personne qui décide de venir doit être elle-même motivée et ne pas venir en « consommateur », elle est elle-même coopérante, je ne fais qu'accompagner un processus de libération. Les personnes vont venir avec des questions différentes. Quelqu'un peut avoir quelque chose qui bloque dans sa vie. Déjà en parlant, elle va peut-être trouver une ou deux clé, puis on fait le travail énergétique. Deux ou trois séances sont en général nécessaires. Souvent je donne un petit travail à faire entre les séances, c'est très différent d'une personne à l'autre. J'aide la vie à mieux passer. Ensuite, certaines synchronicités peuvent se produire, des événements du quotidien qui donnent des directions...
JG : Peux-tu me parler de la voie des contes ?
MD : C'est aussi un outil très intéressant, une quête de sens qui aide la personne à toucher ses profondeurs. Là on ne travaille pas avec le toucher mais avec des « oracles de conte ». C'est un travail qui se passe sur 4 semaines, à raison d'une heure et demie par semaine. Le client vient avec une question porteuse de sens, d'une direction, d'une problématique ou de son besoin du moment. On va se mettre dans cette perspective et la question va être de savoir où la personne veut aller.La personne trouve donc une inspiration (première semaine) puis elle va s'engager (deuxième semaine). Là, il y a vraiment quelque chose qui se passe. Bien sûr la personne rencontre des difficultés (des ogres) mais elle va entrer en communion avec son élan de vie (troisième semaine) et finalement se dire : « C'est vraiment ça ! Je suis sur le bon chemin », en même temps que des synchonicités apparaissent. Enfin vient la synergie (quatrième semaine) : la personne s'aperçoit que son propre chemin rencontre celui d'autres personnes, elles-mêmes sur leur propre chemin, qu'on est sur une trame de vie.Les oracles sont des phrases qui sortent du conte, c'est un peu l'essentiel, le sens du conte. Et cet oracle va entrer en résonnance avec la vie de la personne. Pour être plus précise, je travaille sur les contes de Grimm, dont une centaine a été sélectionnée par Jean-Pascal Debailleuil. Le choix du conte sur lequel nous travaillons est tiré aux dés. Chacun de ces contes est composé des 4 phases dont je t'ai parlé. C'est vraiment un processus à expérimenter ; il est très libératoire.
JG : C'est très intéressant. Pour terminer, quels sont tes projets dans un futur proche ?
MD : Je suis en train de créer trois nouveaux ateliers nommés S.V.I.T.C.H., qui sont en correspondance avec ma conférence "S.V.I.T.C.H. / les 3 clés de base pour ETRE Soi avec les autres". L'objetif de ces ateliers est de passer de l'individualisme à la souveraineté. Pour moi la souveraineté ne renie pas l'individu, elle le transforme, elle lui donne un rôle lumineux.
JG : Merci beaucoup pour cette interview lumineuse.