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La peinture romaine







Peinture sur le côté sud du cubiculum H, Villa Boscoreale, Museo Archeologico Nazionale (Naples)





A. Un aperçu historique

On imagine aisément la période antique – grecque et romaine – d’une blancheur immaculée. Monuments aux colonnes ivoirines et murs nus, seulement décorés de sculptures toutes aussi blanches, sont l’image que l’on se fait de cette époque. Mais si on y regarde de plus près, on peut rapidement s’apercevoir que cette conception est totalement fausse. Rome et la Grèce avant elle ont connu et aimé la couleur. Pour preuve, les très nombreux témoignages de fresques murales, portraits sur bois, les éléments d’architecture dorés ou encore les sculptures polychromes.


1. La peinture sous la République

Les premiers témoignages se trouvent dans les Pouilles et en Campanie. Dès le VIIème siècle avant JC, il est possible de trouver des décorations picturales de temples et de tombes. Pline l’Ancien (Histoire naturelle, Livre XXXV, De la peinture et des couleurs, XLV) cite de nombreux artisans peintres – on ne parle pas d’artiste à cette époque - qui ont travaillé au Temple de Cérès, Liber et Libera à Rome. Ces peintures sont, semble-t-il, historiques, mais sans caractéristiques spécifiques. Elles sont simplement copiées des arts grecs de l’époque. Il en est de même avec les décorations de la nécropole située sur l’Esquilin et datant de la fin du IVème siècle avant JC. Un véritable courant pictural prend naissance sous Jules César ou un peu avant, sous Sylla. L’image de ce style naissant se retrouve sur les murs des maisons pompéiennes, pleins de couleurs et d’aplats.

Le style pompéien a connu 4 styles que l’on peut délimiter ainsi :

- IIème siècle avant JC : peintures totalement inspirées par les œuvres grecques avec des incrustations colorées en stuc plus qu’une véritable peinture.

- De -120 à 25 : c’est l’arrivée d’une véritable peinture. Les incrustations disparaissent totalement au profit d’une réelle mise en scène, librement inspirée des scènes de théâtres.

- De 25 à 45 : c’est l’époque du Style Ornemental. Les décors se simplifient et on oublie les différents trompe-l’œil du style précédent. Les parois se divisent avec des traits fins et colorés, on peut aussi noter des éléments architecturaux peints totalement décoratifs.

- De 45 à 90 : le Quatrième Style se distingue par un retour aux effets optiques. Toutefois, les architectures purement décoratives restent présentes et il est aussi possible de noter la présence de stucs en reliefs. Les peintres jouent sur les couleurs, plus vives et les contours plus nets.





2. L’époque impériale

On a longtemps pensé que le style pompéien était le travail d’artisans locaux. Mais il n’en est rien et les principaux ateliers se trouvaient à Rome. C’est dans la capitale que l’histoire de la peinture se poursuit. Sous Auguste, la couleur prend de l’importance et plusieurs œuvres témoignent de cette évolution comme les fresques de la grande salle de la Villa de Livie de Prima Porta ou la sculpture de l’empereur dont les couleurs ont été restaurées, il y a quelques années. Les couleurs sont nettes et franches. Le second style pompéien reste toutefois de mise dans les maisons de hauts dignitaires, comme la Maison de Livie sur le Palatin. Il est à noter que la peinture s’écarte de plus en plus des canons grecs, avec par exemple les sujets contemporains comme les processions - la procession de la maison de la rue de l'Abondance à Pompéi – ou les scènes de la vie quotidienne.


Détail d’une architecture peinte, Maison de Livie, Prima porta - Photographie de l’auteur

Hermès, Villa Adriana, Tivoli - IVème siècle, Musées Capitolins

Réplique peinte de la statue d'Augustus


On peut noter de nombreux vestiges de cette époque à Pompéi, qui après le tremblement de terre de 62, a été totalement reconstruite : maison des Vettii, maison de Julia Félix, maison des Dioscures…

Il reste peu de témoignages de peintures réalisées sous le règne des empereurs suivants à Rome. Il faut se tourner vers les provinces pour voir apparaitre des œuvres picturales variées. Pour l’époque d’Antonin, on peut noter un déclin des formes dans un petit paysage assez flou trouvé Basilique Saint-Sébastien-hors-les-Murs sur la voie Appienne. L’Egypte se distingue sous le règne des Sévères avec des portraits originaux, provenant du Fayoum. Sur ceux-ci on peut remarquer des visages fixes avec de grands yeux, des contours nets et une forte simplification des différents plans.
Les provinces orientales fournissent de nombreux exemples pour l’époque de Gallien. Le sanctuaire de Louxor ou encore la synagogue de Doura-Europos sont les prémices de l’iconographie paléochrétienne.






Image d'une partie de la fresque à la synagogue Doura-Europos



3. L’époque chrétienne

Celle-ci va se développer à partir de la seconde moitié du IIIème siècle, principalement dans les différentes catacombes. Les artistes utilisent les principes classiques et y mêlent des influences orientales. On retrouve des scènes de banquets, des orants et des pasteurs avec des couleurs variées et des décorations végétales.




Jonas tombant à la mer. Catacombe de Priscille à Rome


Détail - orante avec traces de dorures et de bleu, Sarcophage aux bergers (Vatican, inv. n°31.430) - Photographie de l’auteur

B. Les différents supports


1. Les fresques murales

Nous avons déjà survolé les quatre styles qui définissent l’histoire de la peinture pariétale romaine puisque celle-ci se confond avec la peinture pompéienne. Pour mieux comprendre ce type de peinture, il faut évidemment entrer plus en détails et observer l’évolution de ces styles qui ont eu une influence incontournable.

Revenons quelques instants sur le premier style qui ouvre la voie au développement pictural romain. On peut y trouver des murs divisés chacun en trois parties avec une plinthe de grandes dimensions, un panneau intermédiaire et une corniche. La peinture en trompe-l’œil s’intègre dans les différentes parties avec par exemple des colonnes qui divisent le mur. Ce type provient directement des artisans grecs qui s’étaient installés dans le « sud de l’Italie » et qui avaient travaillé à Délos et Pella.

Pour plus d’informations sur Délos et Pella :


Le second style reprend les influences des décors de théâtres en vogue à l’époque : jardins, décors architecturaux, bâtiments prennent place dans les espaces. La large plinthe se rétrécit pour donner plus d’espace à ces vastes paysages. La Villa des Mystères présente des personnages – maîtresse de maison, Dionysos, ménades – grandeur presque nature. Ils sont représentés dans l’action, sans toutefois laisser de côté le spectateur – une servante par exemple regarde de face celui-ci. Les grands aplats rouges forment le fond sur lequel se détachent les acteurs. On s’aperçoit que chaque visage est parfaitement individualisé. On est très près ici de la peinture de chevalet.







Détail rituel d’initiation Villa des Mystères, Pompéi


Des paysages bucoliques peuvent remplir les panneaux centraux. Ainsi, les peintures de la Villa de Livie à Rome, où il est possible d’observer un véritable jardin, avec des arbres, des fleurs et une végétation riche entre deux colonnes, comme si l’observateur voyait ce paysage depuis son salon.

La troisième période du style pompéien se caractérise par une recherche chromatique plus développée. Les panneaux centraux s’habillent de larges plaques de couleurs très franches, dont le blanc cassé, le noir et le rouge. Les colonnes se cisèlent et on a l’impression que l’architecture devient pièce d’orfèvrerie. Au fur et à mesure que l’on s’avance dans le Ier siècle, les candélabres et autres pilastres se multiplient pour devenir des motifs majeurs, quasiment à égalité avec le motif central.






Peinture tablinium, Maison de Marco Lucrezio, Pompéi


Autre détail, même maison, exèdre


Avec le quatrième style, la sophistication est de mise. Les larges panneaux présentent des scènes narratives très détaillées. Les personnages sont peints comme s’il s’agissait de peintures de chevalet. Les architectures sont totalement illusionnistes sur les panneaux latéraux. Un véritable décor complexe et profond prend place dans les panneaux centraux. Des tableaux très complets se placent sur les plinthes. L’ensemble présente un effet chargé et très délicat à la fois tant les détails sont soignés.

Pour visiter la Maison des Vetii :



2. Les sculptures peintes

La période romaine a aussi peint ses sculptures. Couleurs vibrantes – principalement le rouge, le jaune et le bleu –, et dorures habillaient les marbres. Les couleurs étaient utilisées pour mettre en valeur certains détails, et ce aussi bien sur les statues de divinités, impériales ou privées.

Plus on avance vers le Bas-Empire, plus la couleur est présente. Elle va recouvrir les bas-reliefs, les sarcophages et les rondes bosses. La dorure reste quant à elle réservée aux détails à mettre en valeur.




Buste de Caligula (Ny Carlsberg Glyptotek)


Détail, Mater, Alise-Sainte-Reine Photographie de l’auteur


A propos du buste de Caligula : A droite, tête telle qu’elle a été découverte. On peut noter des traces de couleur brune dans les cheveux et noire sur l’œil gauche (dessin des cils). A gauche, buste recoloré.



3. Les portraits

Le portrait est une spécificité romaine. Il se développe particulièrement au Ier siècle. On peut en trouver de très nombreux exemple dans les peintures de Pompéi.
Plus on avance dans le temps, plus le portrait se fait individuel. On trouve avec les portrait du Fayoum des représentations uniques. Hommes, femmes, enfants sont peints avec des couleurs claires. Leurs traits sont précis et lorsqu'on regarde ces œuvres, on voit des photographies. Ce sont par ailleurs les premiers – et seuls – exemples de peinture sur chevalet que l’on connaisse de la période antique.


Femme à la tablette de cire, Fresque la maison VI,
Insula Occidentalis, Pompéi

C. Les techniques


1. Les pigments

Les artisans romains utilisent principalement les piments minéraux. Les enduits sont quant à eux créés à partir des matériaux qu’ils ont sous la main, mélangés à de la chaux.

Les pigments proviennent des minéraux les plus courants lorsqu’il s’agit de chantiers de gamme moyenne. Ainsi le rouge est issu de la terre d’ocre – ou terre de Sinopie selon Pline - que l’on chauffe plus ou moins selon la teinte que l’on désire. Le rouge cinabaris ou minium est très peu utilisé car il vire rapidement au noir. Le vert peut être obtenu à partir de la malachite, mais là encore la couleur si elle est mal préparée peut s’assombrir jusqu’à devenir une teinte entre noir et vert foncé. On préfère utiliser des terres vertes plus stables. Les artisans peuvent aussi mélanger les teintes. Pour obtenir de l’orange, on mélange du rouge et du jaune, du violet, du bleu et du rouge. Cette dernière teinte provient d’un coquillage – le murex - pour ce qui concerne les fresques des maisons riches. Trop onéreux, il n’est pas utilisé sur les sculptures. La recherche d’économie est toujours présente. De ce fait, on trouve beaucoup de teintes comme le bleu artificiel, mélange de cuivre – malachite ou azurite broyée – de silice et de chaux. Ce mélange est chauffé à 900° avant d’être utilisé.

2. Les outils

Que cela soit sur bois, marbre ou sur un mur, les artisans utilisaient de nombreux pinceaux de tailles différentes. Les pigments étaient conservés dans des petits gobelets ronds ou en forme de bulbe qui pouvaient être refermés par un couvercle. Ces gobelets pouvaient être empilés pour gagner de la place et transportés dans des hottes de paille. Pour effectuer les mélanges des pigments, on utilisait des coupelles légèrement creuses et un mortier. La spatule peut aussi être employée pour les fresques et les portraits sur bois du Fayoum.

3. Les artisans

Les artisans peintres travaillent en atelier. A cette époque, le peintre « solitaire » est plus que rare. On trouve certains des plus célèbres ateliers à Rome et à Pompéi (peintures sur mur, sculpture). Mais il est possible de trouver d’autres ateliers mineurs dans les territoires moins « romains » comme la Gaule ou la Germanie. Les artistes pouvaient également voyager. On a ainsi pu noter un style « romain » sur la Porta Nigra de Trèves.

Seuls les ateliers du Fayoum produisent des peintures sur chevalet et sont composés principalement par des artisans locaux.

4. La technique sur chevalet

Les peintres sur bois du Fayoum utilisent les mêmes principes. On pose une préparation sur la surface à peindre avant de poser les couleurs. Les Egyptiens ont utilisé deux techniques : à l’encaustique - la plus courante - et à la détrempe. La première utilise la cire d’abeille pour faire adhérer les couleurs. La seconde adopte la résine ou la gomme arabique.

Nous avons déjà vu que les artisans romains utilisaient des pigments naturels pour leurs couleurs. Avec les portraits du Fayoum, on voit apparaitre le bleu « égyptien », une couleur fabriquée à partir de plusieurs pigments. La recette est alors connue en Egypte depuis très longtemps et a été perdue.

La dorure qui est utilisée pour les détails est une « peinture dorée », identique à celle utilisée par les Romains - ocre jaune mélangé à du blanc et du rouge. La technique vue sur les sculptures à base de feuilles d’or est aussi ponctuellement employée mais elle coûte plus chère et est donc rare.




Le bleu égyptien


Détail du sarcophage aux bergers (M. Vatican, inv. 31.430) :
dorure et base noire - Photographie de l’auteur





















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