Julien Guerraz : Pierre-Jean Llado, bonjour. Merci de me recevoir dans votre atelier. Quand avez-vous commencé à peindre ?
Pierre-Jean Llado : J'ai commencé à peindre hier... Parce qu'aujourd'hui c'est demain... La peinture est pour moi un rêve (rires).
JG : Je crois qu'avant de peindre, vous exerciez un autre métier...
P-J L : Il y a des gens qui dans leur tête sont peintres et puis qui font un autre métier. Est-ce qu'on devient peintre à partir du moment où on prend son SIRET ou qu'on est accepté à la maison des artistes ? Est-ce un état d'âme ou un état social ?
JG : Vous êtes aussi inscrit au Bénézit...
P-J L : Oui, je suis entre deux peintres morts, un du XVIème et un du XIXème siècle. Ca fait bien.
JG : Vous êtes né et avez vécu à Lyon... Vous y retournez ?
P-J L : Je suis citoyen du monde...
JG : C'est vrai que vous avez beaucoup voyagé.
P-J L : Maintenant je voyage plus en France. La Chine devient compliquée au niveau politique. Je fais aussi moins d'expositions à Paris. J'ai actuellement une galerie à Moulins et une à Toulon, où j'étais ces derniers jours.
JG : Pouvons-nous parler de vos premières années de peinture ?
P-J L : J'étais dans l'industrie et je peignais quand j'avais le temps. J'allais aux cours du soir des beaux-arts et de l'école du petit collège, à Lyon. J'ai pris des cours pendant très longtemps. J'ai peint beaucoup de nus, surtout des études. Puis j'ai enseigné à l'ENAAI (Enseignement aux Arts Appliqués et à l'Image), pendant 15 ans.
JG : Le corps vous intéresse...
P-J L : Je viens de la mécanique... Les articulation, le mouvement, les rotations, j'ai toujours aimé le corps, même si je suis aussi paysagiste. J'aime aussi les animaux, comme le cheval, je m'en sers pour peindre des personnages chimériques. A part cela, j'ai eu deux passions : la moto et la peinture. J'ai donc peint de nombreuses motos que j'avais achetées. Mais l'une de ces passions parasitait l'autre et finalement, aujourd'hui, je me concentre sur la peinture. Je fais aussi un peu de sculpture, même si je suis peu organisé pour cela. Je suis un doux rêveur.
JG : Et en même temps vous avez les pieds sur terre puisque vous vendez dans des galeries...
P-J L : Récemment j'ai exposé à Amiens, pour un rassemblement de motars.
JG : Distinguez-vous différentes périodes dans votre vie de peintre ?
P-J L : Il y a eu la période d'apprentissage. Je travaillais en métallurgie, j'ai été mécano puis dessinateur industriel et concepteur de produits. Alors que je gagnais bien ma vie, j'ai arrêté pour partir sur les routes et commencer une vie de cheminot, c'est à dire de peintre avec son chevalet dans le dos, direction le sud. Je me suis installé quelques temps dans le Gard. J'ai beaucoup peint et exposé à Cassis. A l'époque, je rêvais de faire le marché aux croûtes d'Aix en Provence. Et puis finalement, j'ai fait le marché de la création de Lyon, depuis le premier jour et pendant quatre ans. A l'époque j'étais aquarelliste, je vivais au jour le jour en vendant mes aquarelles à petits prix. Entre 1979 et 1989 j'ai vécu vraiment la bohême. Lorsque j'avais de l'argent, j'achetais des conserves, j'achetais du matériel et je m'enfermais pour peindre dans mon atelier à la Croix Rousse. Jusqu'en 2003 je faisais partie de la société des aquarellistes lyonnais. Puis je suis venu vivre en Savoie, en 1990, mais ai continué à exposer dans le sud, plus exactement à Barjac. A partir de 2000, j'ai fait davantage de toiles que d'aquarelles.
Il y a eu aussi l'épisode avec II GRIFFO à Milan, que j'ai connu grâce à mon marchand de couleurs en 1987. C'est lors d'une exposition à Toulon que j'ai rencontré mon "parrain", qui m'a sponsorisé au niveau de l'édition, sur Paris et sur Milan. J'ai alors vendu des toiles en salle des ventes à Paris, ce qui m'a permis d'être côté, et en même temps, je travaillais avec Milan, je leur proposais des sujets, et lorsqu'un sujet leur plaisait, nous établissions un contrat et ils le sortaient en offset 6 couleurs, sur papier imitation aquarelle. Cela permettait de beaucoup produire. Encore aujourd'hui, il y en a sur le marché américain ou sur internet, ou des gens me téléphonent pour m'en parler... Et puis au bout d'un moment, j'ai eu besoin d'arrêter.
J'ai exposé une fois à New-York, avec une maison d'éditon parisienne. Mais à partir de 2003, j'ai beaucoup exposé à Paris. J'ai fait les grands marchés d'art contemporain. Puis finalement j'ai travaillé sur le cirque, sur la fête foraine, les fêtes galantes... C'était une sorte de prétexte pour faire des personnages, je ne voulais pas rentrer dans le pathos. Disons que j'ai préféré donner dans la joie, dans la gaité. Je peins à la brosse.
JG : Avec des applats, des couleurs fauves, entre le rouge et l'or (ce qui rappelle votre origine catalane)
P-J L : Concernant la Catalogne, j'ai découvert récemment les artistes et architectes du mouvement du noucentisme, qui à la fin du XIXème siècle se sont inspiré du style Nouille en France. C'est vrai que je me suis reconnu dans ce mouvement. J'ai toujours de la famille en Catalogne, à Gerone. J'ai aussi exposé à Madrid et pendant un temps j'allais peindre sur la côte près de la frontière avec le Portugal. Et puis à Madrid, j'ai beaucoup fréquenté le Prado : Zurbaran, Goya, Velasquez, Le Greco... Je faisais des croquis des toiles...
JG : Et en ce qui concerne votre expérience en Chine ?
P-J L :
C'est par l'intermédiaire d'une galerie parisienne avec qui je travaillais que j'ai connu un couple de chinois qui ont organisé un voyage dans leur pays, à Canton. J'ai participé à un salon d'art contemporain. Puis cela m'a amené vers une autre galerie qui exposait à l'international. J'ai exposé chaque année à Canton, pendant cinq ans, et j'ai aussi exposé ailleurs en Chine. Avec une galerie de Roanne, j'ai fait le salon d'art contemporain de Shanghai. La galerie Inna Khimich de Toulon m’a représenté sur Hong Kong ainsi que sur d’autres salons internationaux.
J'ai peint sur la Chine, d'après des carnets de croquis que je faisais là-bas. Je me rappelle, on partait avec une ou deux valises pleines de toiles, avec un tube sur l'épaule dans lequel de grandes peintures étaient roulées. Puis nous achetions les cadres sur place.
JG : Ca a dû être une aventure...
P-J L : Disons qu'en Chine il faut toujours avoir un interprète avec soi. D'une année à l'autre, ça change. Maintenant il n'y a plus de vélos en Chine, ils sont tous en scooters électriques ou vélos électriques. Les chinois sont des gens qui ne disent jamais non, ils disent toujours oui, et puis ils sourient toujours. Ils font aussi beaucoup de gymnastique, des jeux et du Qi Gong, et j'aimais les dessiner le matin au bord de la rivière des Perles...
JG : Et à New-York ?
P-J L : Je n'ai pu peindre sur New- York qu’à partir du moment où j’y suis allé.
JG : Merci pour cet interview