Julien Guerraz : Votre œuvre écrite est impressionnante. Vous avez publié plus de 40 livres, la majorité sur la vie de grands saints. Comment êtes-vous arrivée à l'écriture ?
Françoise Bouchard : Comment suis-je arrivée à l'écriture ? En racontant des anecdotes sur la vie des saints à mes petits enfants. Un jour où mon gendre m'avait écoutée à mon insu, il m'avait posé cette simple question : « Mamy, pourquoi ne pas écrire un livre avec vos histoires ? »
J'avoue que cette idée ne m'avait même pas effleurée. J'ai pourtant contacté un éditeur... Il a été intéressé... Mon premier ouvrage est paru en 1994. Et il a été suivi d'une quarantaine d'autres.
Quelques couvertures de livres écrits par Madame Françoise Bouchard :
JG : Pouvez vous décrire la manière dont vous procédez dans votre écriture ? J'imagine que vous commencez par vous documenter ?
FB : Je commence par choisir un sujet selon différentes manières :
Parfois je suis attirée par un personnage précis.
Parfois je réponds à la démarche d'un évêque, ou de mes éditeurs, ou d'un Supérieur d'Ordre ou de Congrégation...
Je ne concrétise mon choix que si je parviens à entrer en empathie avec le personnage. Sinon, je refuse.
Bien évidemment, je commence par me documenter et pour cela, j'ai plusieurs sources :
- Une bibliothèque personnelle très riche.
- La bibliothèque diocésaine qui me prête des ouvrages d'auteurs les plus divers, parfois des études critiques passionnantes.
- Les archives des maisons religieuses concernées.
- Les témoignages oraux des Supérieurs des Communautés, ou des archivistes de ces maisons...
Je n'ai pas d'exemple particulier, car chaque cas est différent. Mais il m'est arrivé de trouver des armoires aux archives remplies de cartons, pas toujours étiquetés, et contenant des liasses d'enveloppes parfois vides, parfois munies de précisions erronées...
D'autres livres écrits par Madame Françoise Bouchard :
JG : Il est des saints dont la biographie a largement été traitée, lisez-vous ces livres, vous en inspirez-vous lorsque vous décidez d'écrire une biographie ?
FB : Ce n'est pas parce qu'une biographie a été largement traitée que je renonce à créer un nouvel ouvrage.
Chaque auteur, même avec des documents de travail identiques, a sa perception du sujet, ses émotions personnelles, son discernement de l'intérêt de tel ou tel détail sur sa vie, son œuvre et son message, son charisme, l'influence qu'il a eu sur son temps ou sur l'impact de la diffusion de sa biographie à notre époque...
C'est donc non seulement utile, mais indispensable, de lire le plus grand éventail possible d'ouvrages... A condition de les refermer tous avant de commencer la rédaction.
JG : Vous déplacez-vous physiquement ? Par exemple pour la biographie du Curé d'Ars, il me semble que vous êtes allée à Ars.
FB : Je réponds à votre question sur Ars en confirmant ma venue au presbytère, avec accès aux archives et entretien avec le recteur et son archiviste. Je me rend également dans tous les lieux où je peux me documenter.
JG : J'imagine que dans certains cas la recherche doit être plus difficile ou succinte que dans d'autres. Je pense par exemple à la vie de sainte Odile qui remonte au VIIème siècle et qui ressemble assez à une légende.
FB : Il est vrai que certains saints, comme sainte Odile, n'ont pas donné lieu à une documentation abondante, mais rareté ne signifie pas nécessairement fausseté des renseignements. D'ailleurs, dans ce cas précis, pourquoi ne pas les crédibiliser ? Le mot « légende » signifie étymologiquement « devant être lu »... Alors pourquoi ne pas croire les faits rapportés sous prétexte qu'ils échappent à notre raison ? Pour ce qui est de la guérison de sainte Odile, les récits des divers témoins sont tous consignés par écrit et se justifient entre eux.
Sainte Odile
JG : Quels sont les principaux enseignement que vous avez tirés de la fréquentation des grands saints ?
FB : Quels enseignements ai-je tirés ? Un petit melting pot de la sainteté : j'essaie d'éclairer ma vie de certaines formules prises aux une et aux autres : « Tout par amour », ou « Ni plus ni moins », ou « A petits pas », de saint François de Sales. « Quand vous avez des difficultés avec une personne, tournez la médaille et vous verrez le visage du Christ », de saint Vincent de Paul. Quand je n'arrive pas à réaliser les efforts que je souhaite, j'emprunte « la voie de la simplicité », je fais de Jésus mon « ascenseur », comme sainte Thérèse. « Pour la plus grande gloire de Dieu » avec saint Ignace...
JG : J'aimerais que nous parlions de Camille Costa de Beauregard, sur lequel vous avez écrit et qui a été nommé "vénérable" par l'Eglise. Vous participez à la cause de sa béatification. Pouvez-vous en dire plus ?
Camille Costa de Beauregard
FB : Camille Costa de Beauregard n'a franchi jusqu'ici que la première étape vers la sainteté qui fait de lui un « vénérable ». C'est à dire que, après avoir consulté un épais dossier établi par l'évêque du lieu (Procès Informatif Diocésain), les cardinaux romains (« Positio super Virtutibus ») déclarent qu'il a pratiqué toutes les vertus à un degré héroïque et le Saint-Père avalise leurs conclusions par un décret en vénérabilité.
Je fais partie des 8 membres du « Comité Camille Costa de Beauregard » créé par Monseigneur Ballot pour travailler à cette cause.
Pour cela, des rencontres de ses membres ont lieu tous les deux mois, pour proposer des initiatives et des mesures pour les réaliser, pour faire des travaux d'archives, rédiger des textes, décider de rencontres, organiser des visites, des contacts avec des médias... et un suivi rapproché avec le Postulateur romain qui transmet ses dossiers à la Congrégation pour la Cause des Saints.
A ce stade de nos avancées, nous venons de lui adresser tous les documents que nous avons collectés sur la guérison soudaine et inexpliquée d'un jeune garçon gravement blessé à l'oeil. Parmi ces documents figurent les rapports du médecin ophtalmologiste qui l'a ausculté, ceux de la sœur infirmière qui l'a soigné sans résultat, la constatation de la guérison après avoir fait une neuvaine à Camille avec lui, et lui avoir appliqué le 8ème jour un mouchoir de lui sur l'oeil blessé.
Le comité a présenté tous les témoignages des personnes présentes à l'orphelinat à cette époque, conjointement aux rapports (tous favorables) de 5 ophtalmologistes tous actuellement en exercice.
Il ne reste plus qu'à prier pour que cette guérison soit reconnue comme un miracle, pour que Camille Costa de Beauregard soit béatifié, avec tout l'impact que cet événement peut avoir sur le diocèse.
JG : Parallèlement à l'écriture, vous avez d'autres activités : catéchisme, théâtre, radio... Pouvez-vous en parler ?
FB : Quelques mots sur mes autres activités :
J'assure des cours de catéchisme aux Echelles. Pour rendre plus vivant l'enseignement de la foi et pour inciter les jeunes à la faire passer plus concrètement dans la vie, je crée des pièces de théâtre. Après trois années de succès mitigé, nous avons réalisé, cette année, un spectacle très réussi avec pour sujet « les miracles de Jésus ». Nous avions plus de 200 personnes à la salle des fêtes, avec Monseigneur Ballot pour spectateur d'honneur. 4 groupes des clochers alentour s'étaient groupés avec nous (environ 55 enfants). Grâce à l'investissement de toutes les forces vives de la paroisse, nous avons été au top pour les costumes, les décors, la sono, le chant (chorale), la musique (harpe, flûte, guitare...).
Le Vendredi 24 mai 2019, nous récidivons, avec pour sujet : « Ils ont rencontré Jésus ». A voir !
Quant à la radio et à la télévision, j'ai réalisé des émissions à RCF autour de Camille Costa de Beauregard, en collaboration avec le Père Ripaud, ancien Supérieur de la Communauté des Salésiens du Bocage. J'ai également été interviewée sur Camille Costa de Beauregard par France Bleue et par d'autres radios, ou encore par la chaine de télévision TV8 Mont Blanc.
Enfin mes autres passions : la musique, le piano, le jardinage...
Propos recueillis par Julien Guerraz, novembre 2018
www.mneseek.fr (partage de liens internet culturels)
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