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Français (texte autobiographique)




1ère partie

Je suis arrivé en 1964. Jusqu'en 60, il y avait la guerre d'Algérie. Il y avait des troupes, des soldats, des chars. J'étais en Algérie pendant la guerre. Les soldats français fouillaient dans les maisons à la recherche d'armes. Moi j'allais à l'école primaire. Les professeurs étaient des pieds-noirs ou des algériens. A El Asnam.
Je suis arrivé à 14 ans.
J'allais à l'école primaire. J'avais mes parents. L'entreprise où travaillait mon père était en Algérie puis elle est venue s'installer en France. Il a fait maçon pendant 40 ans.

Ca a été dur la réinsertion. Ca a marché petit à petit. C'était difficile à l'école, la langue, les fréquentations. Je comprenais mais ne parlais pas bien le français.

Après j'ai fait un stage d'agriculture à Montmélian pendant trois ans. En principe, je devais travailler dans l'agriculture.
Après je me suis recyclé dans les travaux d'usine. J'ai travaillé en plomberie pendant 4 ans, avec un plombier. J'ai été dans le Cantal, dans une école, un collège agricole. Donc je connais un peu le domaine de l'agriculture.

J'ai fait un voyage en Algérie en 68. J'y suis allé en vacances. J'ai passé un concours de technicien à Alger, pendant mes vacances. Mais cela ne me plaisait pas, je ne trouvais pas de travail. Donc je suis revenu.
Après j'ai travaillé en usine chez Merlin Gerin.

Il faisait chaud en Algérie.
Quand il y avait la guerre, il y avait beaucoup de mouvement. Les magasins étaient ouverts. Les gens circulaient, c'était beau quand les troupes passaient, les gens allaient au travail, les paysages, la montagne.

En agriculture, j'apprenais l'élevage de bovins, ovins, porcins, la biologie médicale et végétale, le français, les mathématiques, l'anglais.
Je suis reparti en 72. J'ai travaillé un an dans une Direction Départementale Agricole comme adjoint technique section élevage.

J'ai été enseignant à l'école primaire jusqu'en 77. J'enseignais le français et les maths en CM2 à Chelif. A cette époque ça allait bien. J'apprenais de mieux en mieux. Au départ c'était dur avec les élèves. Ils avaient du mal à comprendre. Je faisais des stages de formation en français avec l'inspecteur d'académie. J'étais bien content.
Finalement je suis arrivé à assimiler la formation et à expliquer bien aux élèves. Je me rappelle des bons élèves.
En même temps, je gérais la cantine, au bureau, l'après-midi. J'enseignais 4 heures par jour et je faisais 4 heures de bureau. J'étais quand même fatigué le soir. Les autres enseignants enseignaient en français arabe alors que moi j'enseignais en français uniquement. Nous étions 3 instituteurs.
L'inspecteur est venu 3 fois en 3 ans. Il a assisté à la classe. Il m'a dit de continuer comme ça.

Ma dépression date de 74 à peu près.

71-74 enseignant, puis un an de formation bilingue dans une autre ville. J'ai reçu le diplôme d'instituteur. Après on m'a muté.

Les enseignants étaient nombreux. On touchait la paie chaque mois. Ca me plaisait. C'est un bon métier.

2 aou 3 ans après j'ai reçu une convocation de la préfecture pour travailler comme adjoint technique agricole à Chelib. J'ai été muté dans le secteur approvisionnement, qui s'occupait des engrais. On en utilisait beaucoup. Je contrôlais le secteur avec 32 domaines agricoles. Je comptabilisais les stocks d'engrais et je faisais les commandes. On me disait combien il manquait puis j'expédiais. C'était dur au départ. J'ai demandé conseil aux ingénieurs qui m'ont donné de bons conseils. J'ai pu continuer. J'étais mieux payé que quand j'étais enseignant. J'assistais à des réunions et à des conférences agricoles. Il y avait un grand nombre de techniciens et d'ingénieurs. Ca marchait bien.

A partir de 77 j'ai fait de la dépression. Je ne sais pas vraiment pourquoi. J'étais agité. J'ai été à l'hôpital. Je suis tombé dans le coma et un mois après ça c'est calmé. J'ai eu un soin médical avec un psychiatre. Après je suis retourné en France. Je n'avais pas envie de rester en Algérie. Je suis revenu à Montmélian. J'ai trouvé un logement et j'ai travaillé en intérim comme maçon. Peit à petit, ma dépression s'est calmée. J'ai consulté un psychiatre en France.
Après j'ai travaillé chez Baima.

En Algérie, la mer est à 30 kilomètres de chez moi. On y va en voiture ou en bus. Il nous prend le matin et nous ramène le soir.

J'ai travaillé chez Baima jusqu'en 84. Puis j'ai fait un voyage en Algérie. A ce moment là, je n'avais pas de travail. Je suis revenu au bout de deux mois pour renouveler ma carte de séjour. Pendant ces deux mois, c'était en décembre, il faisait très froid. Je ne me suis pas beaucoup déplacé, j'ai visité ma famille.

J'avais des ambitions, j'ai été dans plusieurs branches, je suis polyvalent.
J'ai eu le brevet d'apprentissage agricole en 67 et le brevet d'étude agricole en 71. A l'époque en 71, avec un an de formation en BEPC, on pouvait être instituteur. Avec le bac,on pouvait enseigner au collège, jusqu'en troisième.

Mon frère, qui est aujourd'hui à la retraite, était technicien dessinateur à la poste. Il touche une bien meilleure retraite que les autres.

Après 77, je suis revenu en France. J'avais une fiancée en Algérie mais je suis tombé malade en 75 et je suis revenu.

Ma famille est en Algérie. J'ai 4 frères et 3 soeurs. Ils travaillent. Il y en a un à la retraite, une travaille à la préfecture, un est gardien, deux autres sont maçon. Une travaille à l'usine, deux travaillent comme professeurs.

En Algérie, j'étais à l'école primaire. Mon père était maçon. Mes parents sont venus en France pour le travail. On a habité à Montmélian.

Les soldats français fouillaient dans les maisons. Ils cherchaient les rebelles mais ils avaient de bonnes relations avec les algériens. A la campagne, il y avait la guerre, mais je ne savais pas ce qui se passait. Avec les français d'Algérie, ça allait bien malgré la guerre. J'avais beaucoup de copains, on jouait au ballon, on se promenait dans la forêt.

Les harkis étaient armés. Dans la journée ils étaient à la campagne avec l'armée française à la recherche des rebelles et le soir ils rentraient chez eux, comme si de rien n'était. Mes copains, c'étaient Mamar, Mohammed, Laïd, Abdelkhader. On était tous à l'école. On recevait les informations sur les combats avec du retard. Les rebelles n'étaient pas nombreux. Certains ont été tués, d'autres faits prisonniers.
On mangeait beaucoup de fruits et des patisseries arabes.

On cachait les cartables dans les buissons et on faisait croire à nos parents qu'on était à l'école.
J'aimais bien l'école. J'étais bon élève. J'aimais bien le français et l'histoire. On nous apprenait l'histoire des gaulois, les romains, Charlemagne. C'était bien. La géographie aussi. Les professeurs étaient en majorité des arabes mais il y avait des pieds-noirs. Dans les classes, on était mélangés français et arabes. Les filles étaient à part. On était musulmans mais on ne pratiquait pas. On ne faisait pas le ramadan parce qu'on était jeunes. Les vieux faisaient la prière et le ramadan. On allait chercher l'eau à la fontaine. On a eu l'élecrticité en même temps que l'eau en 1960.

Il y a eu un cesser le feu en 1960. Les avions larguaient des papier où étaient écrits "Cessez-le-feu". Tout le monde était content.

Je connaissais des pieds-noirs qui sont partis. Les professeurs sont rentrés en France. Certains sont restés. Les biens des peids noirs étaient appelés "biens vacants" et c'est l'Etat qui les a gérés.

En 62, il y a eu beaucoup de chômage car les entreprises étaient parties. Quelques maçons travaillaient encore. Quand j'y suis retourné, il y avait un peu de travail, dans le bâtiment, l'agriculture. J'ai fait un stage d'instituteur.

Je me suis fait naturaliser français en 94. Je n'avais pas de passeport algérien pour voyager. J'étais bien content. Avec un passeport français, je vivais où je veux.

Sinon, ça n'a pas changé grand chose. Je ne connais pas tous les droits qui existent. On ne peut pas m'expulser.

Je suis allé à la mairie. On m'a demandé mon acte de naissance, la carte de séjour, les fiches de paie et un certificat médical. A la mairie, les gens ont été corrects. Ca a mis 3 ans. J'ai enfin reçu le décret. Moi on m'a envoyé les documents. On me les avait traduits en arabe : acte de divorce, acte de naissance, acte de mariage, actes notariés.

Quand on est partis d'Algérie, on laissait mes tantes Zora et Keira, mon oncle Reta Ben Youcef. Mes grands parents étaient décédés.

En 1964, je suis arrivé en France par avion. Je suis parti d'Alger pour Marseille. J'ai pris le train à minuit. On était 7. Mon père, ma mère, mes frères et soeurs. Ca s'est bien passé. Je rêvais d'un avenir meilleur, j'avais 14 ans. On a pris le train de Marseille à Montmélian. C'est le patron de mon père qui était pied-noir qui nous a proposé de venir.
A Montmélian, le changement de climat et puis on ne connaissait personne. On a eu tout de suite un vieil appartement sans meuble en location. Pendant 6 mois, on n'a pas eu de meubles.
Je comprenais mais je ne parlais pas le français. A l'école primaire, c'était dur. J'ai eu vite des copains et des copines. Ils m'ont bien abordé. J'allais à l'école Pillet-Will. J'avais M. Fromager comme premier instituteur. Le niveau était élevé. Je n'arrivais pas à assimiler. Il n'y avait pas de soutien scolaire.
Arrivé à 10 ans en France, on est cuit parce qu'on ne peut pas tout assimiler.

Je suis allé jusqu'au certificat d'étude puis au centre agricole à Montmélian. J'étais premier car ça me plaisait. J'ai passé le brevet agricole. Il y avait la menuiserie et le travail du fer.
L'intégration a été dure au départ, puis au bout de trois ans, je me suis habitué, ma vie me plaisait. J'allais au cinéma tous les samedis voir des films de Jean Gabin, Fernandel, Alain Delon. J'avais un vélo et je faisais beaucoup de sport, football, gymnastique et après, la natation, à 17 ans la piscine à Montmélian quand ils l'ont ouverte.

Dès que j'ai compris le français, j'ai eu beaucoup de copains, des amis même, car je comprenais ce qu'ils disaient. Mais la vie était différente de là-bas. J'avais un peu de nostalgie.
J'étais coupé de l'Algérie. Il n'y avait aucune information sur la vie là-bas. Aujourd'hui, on est plus informé qu'avant.
Mes cousins, on venait du même pays. C'est pour ça que j'ai conservé et que je maîtrise la langue arabe. Je n'ai pas oublié.

Là, en Algérie, ils reçoivent les chaines françaises : envoyé spécial, les infos, M6. Quand j'y suis allé, certains parlaient français avec moi. Sutout les vieux, ceux qui sont allés dans les écoles bilingues françaises. Aujourd'hui, celui qui maîtrise le français niveau bac, il peut devenir directeur. Dans l'administration, c'est bilingue. Il y a beaucoup de traducteurs du CE2 au bac.

Ils ne m'emmerdaient pas, les élèves de CM2. Ils étaient sages.

Je retourne en Algérie cette année en Juillet. Je vais me baigner. La dernière fois, je me suis baigné tout habillé. On est à 30 kilomètres de la plage. On y va en voiture, on paie le parking, pas très cher, et on se baigne dans la Méditerrannée. Des algériens vendent de quoi manger, des boissons, des glaces.

A mon arrivée en France, l'Algérie m'a manqué un petit peu. J'ai retrouvé mes anciens voisins d'il y a 60 ans, mes amis d'enfance, ils sont nombreux. Je vais les voir la prochaine fois que j'y vais. Ils ont pour beaucoup changé de domicile.
Ma famille là-bas me manque car je suis bien reçu. J'aimerais bien les voir ici, de temps en temps. Il y en a 3 qui voulaient venir, mais ils n'ont pas pu. Problème de visa.

Il y en a un de plus de 60 ans. C'est le plus ancien. Il a un grand élevage de moutons, une voiture pour amener la nourriture aux bètes.

Mon père était plombier et maçon en Algérie. Il travaillait depuis 1945 avec les pieds-noirs. En 63, il est venu en France.
Il est né à Alger. Je ne me rappelle pas de mes grands parents.

Ma grand-mère s'appelait Aïcha. Elle touchait les aides sociales. Elle était toute seule dans une petite maison. Elle est décédée en 1963. J'avais 13 ans.

Maintenant, il y a beaucoup plus de monde qu'avant, là où on habitait. Ils ont quitté la campagne et se sont accumulés près de chez nous. Ils sont bien, ils ont un logement, un travail.

La majorité de ceux qui travaillent sont fonctionnaires. Puis il y a l'université, des écoles après le bac, des lycées il y en a depuis longtemps.

A 25 ans, j'étais très intéressé par la politique, en France et en Algérie. Par le socialisme. Il m'est venu à l'idée que c'était bien pour les pauvres. J'ai voté en Algérie, socialiste, 5 fois. Ils sont passés au pouvoir.
Pendant le septennat de François Mitterrand, j'étais bien content. En 81, je n'ai pas pu voter, j'étais de nationalité algérienne. Depuis 1994, j'ai voté à gauche.
Puis je me suis désintéressé de la politique. Les gens étaient contents car Mitterrand a augmenté les salaires (grâce à l'Abbé Pierre aussi). Il a institué le RMI.

La politique aujourd'hui ne m'intéresse pas, même si ce qu'on écoute à la télé n'est pas tellement compliqué.
Si la gauche passait, elle augmenterait les salaires, le RSA, l'Allocation Adultes Handicapés.

En Algérie, c'est les prix qui ont augmenté. La vie est chère. Boutteflika est estimé dans la population. En Algérie, c'est la liberté, comme ici.
Bouteflika avant était ministre, il venait une fois par mois en France. Il aime bien la France.
Après son élection, Sarkozy est allé à Alger parce qu'il y a beaucoup de français qui résident en Algérie. Des pieds-noirs qui sont restés en Algérie après la guerre.

Les algériens aiment de Gaulle depuis la guerre de 1945 (il y a beaucoup d'algériens qui ont combattu avec l'armée française, j'ai un cousin à la mer qui s'est battu contre les allemands). C'est lui qui leur a donné l'aide sociale.

Après la guerre, certaines villes qui avaient des noms français ont changé de nom. Par exemple où j'habitais s'appelait Orléansville et est devenue Chelib. Certains noms sont restés comme Mostaganem, Blida, Alger, Constantine... Les noms de rue ont changé. On leur a donné des noms algériens. Ca s'est fait en 62, juste après la guerre.


2ème partie

En 1962, après le cessez-le-feu, les gens ont célébré l'indépendance. Il y avait beaucoup de monde dans les rues, les gens chantaient et dansaient. L'armée française était désarmée et on a observé le défilé avec les algériens.

Mais il ny avait pas de travail et les algériens ont été obligés d'immigrer en Europe pour travailler. Les colons français ont laissé leurs fermes aux algériens et ont quitté l'Algérie.

En 1963, j'avais 13 ans, j'ai été en colonie de vacances à 50 km de chez moi. Nous étions nombreux. Nous avons fait une pièce de théâtre, au milieu d'une forêt de cèdres.

J'ai été au certificat d'étude en 1963. J'ai réussi la 6ème. Puis je suis venu en France, le 17 mars 1964.

En 1954, il y a eu un tremblement de terre à El Asnam, qui a fait 10 000 morts. Ma maison était partagée en deux, mais il n'y a pas eu de morts dans ma famille. La Croix Rouge française nous a distribué des tentes et des vêtements. On s'est installé dans une grande tente pendant trois jours.

En 1955, j'ai été chez les soeurs pour une ottite. J'y suis resté six mois. Après, je suis rentré à l'école primaire en arabe. J'ai appris le Coran.

Il y a 5 mosquées à El Asnam. On entend le Muezzin cinq fois par jour. Je ne fais pas le ramadan, parce que je prends des comprimés. En Algérie, les femmes ne fument pas. Ou si elles fument, c'est en cachette, par exemple dans les grandes villes comme Oran. Elles consomment de l'alcool aussi.

Pendant la guerre, je me rappelle, j'ai vu des morts. Le premier en 1958. C'était un rebelle qui portait une grenade. Les français ont trouvé sur lui cette grenade et ils l'ont fusillé à côté d'un arbre. Puis on l'a couché à côté de l'arbre pour montrer aux autres que c'était un fellaga. Il n'était pas de la région alors personne ne l'a reconnu. A midi, ils l'ont transporté dans une jeep pour aller l'enterrer.

Le deuxième mort que j'ai vu, c'était un fellaga qui avait jeté une grenade dans un moulin contre des harkis qui étaient assis. Une demie heure après, l'armée française l'a retrouvé caché dans un champ de blé avec sa bicyclette. Ils l'ont fusillé et ramené au moulin où ils l'ont laissé jusqu'à 16 heures.

Un jour, il y a eu un accrochage avec les harkis, j'ai entendu des coups de feu. Le lendemain, vers 10 heures, j'ai vu de loin le corps de deux rebelles. Il y avait le feu autour.

Il y avait une route nationale où on voyait toute la journée des blindés transportant des troupes vers Ouarsenis.

En 1961, j'ai vu un groupe de harkis qui frappaient des civils qui manifestaient devant leur domicile. Puis une ambulance a amené les blessés à l'hospital.

Des hélicoptères transportaient des troupes de la base vers le massif de l'Ouarsenis et il y avait des accrochages avec les rebelles. Les troupes revenaient le soir.

L'armée française ne savait pas où étaient les rebelles. Donc c'étaient les harkis et les collabos qui renseignaient les officiers français.

La majorité des rebelles faits prisoniers furent mis en prison, jusqu'au cessez-le-feu.

Un jour, en 1960, je suis allé au marché pour acheter une passoire. Au bout de 10 minutes, j'ai entendu des coups de feu. Les rebelles avaient tué un algérien. Les commerçants ont plié leurs bagages et sont partis. La nouvelle s'est répandue rapidement et moi j'ai quitté le marché en courant.

J'avais 10 ans. J'avais un peu peur, mais pas trop. Ca donnait une drôle d'impression.

En 1961, il y a eu une manifestation pour l'indépendance. Le FLN dirigeait la manifestation. Il y avait beaucoup d'adolescents. L'armée française tirait en l'air. Les harkis sont venus à midi. Ils étaient très nombreux et ont commencé à frapper les manifestants. Puis vers 2 heures ça s'est calmé. Tout le monde est parti.

En 1964, après la guerre, j'ai vu un livre qui s'appelait "Rafale sur Ouarsenis" qui parlait de la guerre, des rebelles tués par les parachutistes. Ce livre racontait ce qui s'était passé. Mais je ne me rappelle pas bien.

Ceux qui avaient 40 ans au cessz-le-feu ont vu beaucoup de choses. Il leur arrive d'en parler.

Les gens de la campagne ont plus souffert que ceux de la ville. Les rebelles du FLN étaient cachés dans les montagnes et ne venaient pas en ville. Ils n'étaient pas bien équipés en armes.

Il y avait une caserne près de chez moi. On ne savait pas ce qu'ils faisaient dedans avec les harkis.

Quand on voyageait, le paysage paraissait beau et came. On aurait dit qu'il n'y avait pas la guerre. Et puis par moments, il y avait des coups de feu ou un accrochage.

Au moment du cessez-le-feu en 1962, tout s'est arrêté. Et les soldats français appelés circulaient librement dans la ville. Ils sont restés dans les casernes jusqu'en 1964, si ma mémoire est bonne .

Les rebelles sont descendus de la montagne. Ils étaient nombreux, ils circulaient avec des armes mais ils n'ont tué personne.

D'un coup, vers juin 1963, ils ont ramassé les harkis dans les casernes, certains ont été tués et les autres ont été libérés. Mon voisin harki que je connaissais depuis longtemps s'est fait tuer par les rebelles.

En 1963, j'ai été à l'école en CM2. Puis nous sommes venus en France.

En 1962, les algériens appelés qui étaient dans l'armée française, qu'on appelait les demi-harkis, ont été incorporés dans l'armée algérienne en tant que force locale de maintien de l'ordre sous la direction de Ben Bella. Ce sont les harkis engagés qui étaient considérés comme dangereux. Ils combattaient avec l'armée française dans les djebel (montagnes). Ils avaient des mitraillettes. Certains sont allés en France à la fin de la guerre. Les algériens ne les aiment pas.

En Algérie, à chaque Noël, nous étions invités par les pieds-noirs. Ils nous donaient à manger et un cadeau. Cela a duré jusqu'en 1962.

A 18 ans, j'ai été trois ans en Auvergne dans un collège agricole, pour passer un BEP. Je l'ai raté. J'ai un peu visité l'Auvergne, Clermont-Ferrand, Aurillac, puis je suis revenu à Montmélian.

Je suis reparti en Algérie à l'âge de 21 ans et suis devenu instituteur, puis suis revenu en France définitivement en 1977.

Ma dépression date de 1974. J'avais des maux de tête, des idées bizarres. Je ne pouvais plus travailler. J'avais beaucoup d'heures d'enseignement et je ne supportais pas les élèves.

En 1977, je me suis retrouvé tout seul en France. J'ai trouvé une chambre chez un italien puis j'ai travaillé.

En 1980, j'ai fait une formation préparatoire en Ardèche. Ca s'est bien passé. J'ai fait un stage de menuisier puis l'ai interrompu. J'ai refait une formation préparatoire à Chambéry en mathématiques, dessin et recyclage pour travailler dans la menuiserie.

En France, j'ai eu des soins médicaux. J'ai été bien soigné et je suis guéri.

Les relations avec mon père étaient bonnes mais il travaillait sans arrêt. D'abord pour construire notre maison rue de la chaîne à Montmélian – avec mes frères, on lui donnait un coup de main. Il a aussi construit deux maisons et un restaurant en Algérie. Il a tenu le restaurant puis il a fait faillite en 1963, avant de venir en France. Moi, je n'aimais pas travailler avec lui à construire des maisons. Mais il s'est bien occupé de mes études. J'ai eu une bonne éducation.

Ma mère était toujours à la maison. Elle ne maîtrisait pas le français.

Mon père parlait français et espagnol. Il avait travaillé avec des espagnols en Algérie comme maçon et plombier.

En 1959, j'ai été en vacances chez ma tante Halima, à 15 kilomètres de chez moi. Elle est encore vivante, elle a 80 ans. Elle habitait devant une caserne française. Les voisins étaient sympathiques. Les soldats de la caserne nous laissaient tranquilles. Une fois, vers 18 heures, les soldats français et un harki ont réuni les habitants hommes et femmes et leur ont dit qu'il ne fallait pas écouter les fellagas (rebelles) qui se cachaient dans les montagnes. Il y avait là une trentaine d'algériens. Ils nous ont dit que la France nous soutenait et nous donnait du travail. Le soir, vers 21 heures, les soldats ont invité des enfants, dont j'étais (j'avais 10 ans), au cinéma. A la sortie du cinéma, je suis allé chez ma tante et la sentinelle a allumé sa lampe dans ma direction. Quand le soldat a constaté que je sortais du cinéma, il a éteint sa lampe.

En 1960, au mois de juillet, je suis allé en voiture chez ma tante Keltom à Mostaganem. Son mari était harki adjudant. Il nous emmenait à la plage tous les soirs. C'était merveilleux, surtout les environs de Mostaganem. Sa mère habitait à la campagne, elle touchait l'aide sociale et lui la soutenait et l'emmenait souvent chez lui à Mostaganem.

De retour de vacances, à 60 kilomètres de Mostaganem, nous avons eu un petit accident. La voiture s'est renversée. 10 minutes après, du monde est venu à notre secours. Heureusement, nous n'étions pas blessés. Tout à coup a surgi un officier français qui a sorti un pistolet en demandant : "Est-ce que ce sont des fellagas qui ont causé l'accident ?" On lui a répondu qu'il s'agissait d'un simple accident. Il est reparti et une personne de la foule nous a reconduits jusque chez nous.

Les soldats français s'attaquaient uniquement aux rebelles, pas aux civils.

Un jour, nous sommes allés voir une autre tante à la campagne. J'étais avec ma mère et mes frères. On se dirigeait sur une piste. A quelques centaines de mètres d'où nous étions, j'ai vu des soldats qui regardaient avec des jumelles, sûrement pour surveiller s'il n'y avait pas de rebelles. J'avais peur. Il y avait des camions de soldats et des jeeps mais ils ne nous ont pas prêté attention. Finalement, ma tante nous a fait un bon couscous en discutant avec ma mère.

Où j'habitais en Algérie, il y avait au moins 5 casernes.

La ville où j'habitais a été créée par les français au temps de la colonisation. Il y avait de belles constructions, deux cinémas, une grande piscine, une grande salle polyvalente. La ville s'est énormément agrandie du fait de l'arrivée de gens de la campagne qui fuyaient le terrorisme du GIA, dans les années 1993-1994.
Mais les terroristes se sont rendus.

L'Algérie a beaucoup changé. On y construit beaucoup. Des HLM, des villes, des usines et surtout des autoroutes. Il y a plus de riches qu'auparavant. Il y a beaucoup de commerçants.

En Algérie aujourd'hui, pour avoir un appartement, il faut d'abord payer une caution de 1000 Euros en plus de quelques mois de loyers d'avance, ce qui fait que beaucoup de jeunes sont obligés de rester chez leurs parents.

En 1959, j'ai vu une jeep avec des parachutistes et un ou deux harkis qui distribuaient des bonbons aux enfants. Après leur départ, une femme a surgi et a dit que les bonbons étaient drogués. Elle a ramassé les bonbons et les a jetés dans un jardin. Moi, je n'ai pas compris. Deux heures après, des parachutistes en renfort sont arrivés, armés de mitraillettes. Ils ont gentiment questionnés les enfants : "Où sont vos parents ?", "Avez-vous vu quelque chose ?" Nous leur avons répondu que nos parents étaient au travail. Ils sont repartis.

Au mois de mai 1960, les élèves sortaient de l'école, nombreux. Il y avait des chars de partout, des soldats. Ils attendaient un misnistre français qui devait passer pour voir une école nouvellement construite. Il y avait au moins 300 ouvriers à byciclettes qui sortaient du travail pour aller manger. Il y avait un soldat français avec un harki. Ils contrôlaient les cartes d'identité des ouvriers. Ce soldat et ce harki n'étaient pas méchants. Aux ouvriers qui n'avaient pas leur carte d'identité, ils disaient : "Ca ne fait rien, ça ne fait rien". Après le passage du ministre, ils sont tous partis.

La guerre a duré 7 ans de 1954 à 1962.

Au mois de juin 1960, sur une route nationale, il y avait des camions de militaires. Il y avait 10 soldats par camion, armés jusqu'aux dents. Je stationnais. Ils se sont mis au contact des enfants, leur ont donné des boîtes de conserves. A moi aussi, ils m'ont donné des gâteaux, de manière sympathique et certains m'ont donné de l'argent pour leur acheter des cigarettes. Ils étaient assis dans leur camion et ne sont pas descendus, tout en parlant aux enfants. Ils n'avaient pas l'air méchant. Ensuite, ils sont repartis pour Alger. J'en garde un bon souvenir.

Une fois, il y avait 2 soldats appelés. Ils étaient assis à l'ombre d'un arbre. Ils distribuaient des paquets de gâteaux aux enfants. Je me suis approché d'eux. Je n'avais pas peur. Ils m'ont donné des gâteaux. Ensuite, un soldat a demandé à une petite fille de 10 ans de lui chanter "A la claire fontaine". Elle en a chanté la moitié, les soldats étaient très émus. Certains soldats discutaient aussi avec les adultes.

Là où j'habitais, les enfants étaient constamment en contact avec les parachutistes français. Ils faisaient des courses pour eux, leur apportaient de l'eau et en échange, les soldats leur donnaient de l'argent et des bonbons.

Au mois d'octobre 1960, Le FLN a organisé une manifestation. Il y avait beaucoup de gens qui manifestaient avec, pour la première fois, le drapeau algérien. Ils ont commencé à affronter les forces de l'ordre qui étaient armées. Il y a eu un grand nombre de blessés, mais l'armée n'a pas tiré. J'étais dans la manifestation et quand je voyais les harkis arriver, je courais à toute allure et je me cachais. Ils ne m'ont pas attrapé. Il y avait un hélicoptère qui photographiait les manifestants. Il y avait des hommes, des femmes.
La manifestation s'est terminée à midi. Les harkis étaient très nombreux. Ils avaient des manches de pioches et ont commencé à frapper les gens qui, après, furent transportés à l'hôpital.
J'étais sur une terrasse, au premier étage, j'observais. 3 harkis et un soldat français ont frappé notre voisin.
Vers 14 heures, les harkis sont partis et ça s'est terminé.

En 1960, au mois d'août, à 5 kilomètres d'où j'habitais, il y avait un combat, des harkis et des parachutistes français contre cinq fellagas dont une femme enceinte. Ils tiraient sur eux et j'ai entendu un avion qui bombardait. Ca a duré deux heures. Il y avait beaucoup de bruit. Le lendemain matin, j'ai su que les 5 combattants avaient été tués et 5 soldats français blessés.

En 1977, je suis reparti en Algérie. J'ai demandé une réintégration à la DDA (Direction Départementale de l'Agriculture) comme adjoint technique. J'ai fait des démarches durant 3 mois et ai été accepté. Nous étions 7 dans un bureau. Nous dirigions 32 domaines agricoles. J'ai travaillé toute l'année 1977. Ca me plaisait, mais j'ai rechuté et ai été mal soigné. La situation ne me plaisait pas. J'ai pu acheter un billet d'avion avec l'argent que j'avais gagné. Alors je suis revenu en France. Aussitôt, j'ai trouvé un logement à Montmélian. J'ai trouvé du travail en tant qu'intérimaire, comme monteur en tuyauterie, en déplacement à Modane et à l'usine. J'ai travaillé toute l'année 1978. A la fin de l'année, mon ancien professeur agricole m'a trouvé une place chez Baima, dans les meubles. Je suis allé au consulat algérien mais on n'a pas voulu me délivrer de passeport. J'ai quitté Baima fin 1980 et ai à nouveau travaillé en intérim, jusqu'en 1985. Ensuite, j'ai touché l'AAH, l'Allocation Adultes Handicapés, et en même temps, j'ai travaillé à mi-temps en atelier protégé, sur une machine.

A 21 ans, j'ai rencontré une fille. Elle était jolie et sérieuse. J'allais au bal avec elle tous les samedis. Quand je suis parti en Algérie, j'ai beaucop regretté.

En 1984, j'ai fait un voyage en Algérie. Je suis resté deux mois. J'ai passé de belles vacances. Puis mes parents m'ont encouragé à retourner en France. J'ai repris le travail en atelier protégé. Puis je me suis arrêté un moment.

Je suis allé à la mairie pour me faire naturaliser français. J'ai attendu 3 ans. C'était en 1994.

J'ai à nouveau travaillé pour des agence d'intérim, sur des machines.

En 2000, j'ai rencontré une femme à Montmélian, mais ça n'a pas marché. Elle voulait juste la carte de séjour. Elle a fait un mariage blanc.

Ma vie en France est aujourd'hui assez agréable, même très agréable. Tous les samedis, je vais au bal. Je fais mes courses deux fois par semaine. Je prépare mes repas. Je vais de temps en temps au restaurant à Chambéry.

J'ai des relations avec beaucoup de montmélianais, à qui je paie à boire et qui me paient à boire. Des arabes et des français, sympathiques.

J'aime beaucoup les chansons de Shella, Enrico Macias et Claude François. J'ai assisté à un spectacle d'Enrico Macias récemment à Montmélian.

Sinon, je me promène dans Montmélian. Avec les infirmiers de Bassens, on a visité plusieurs sites. Je fréquente le CATTP de Montmélian depuis à peu près 10 ans. J'ai aussi un suivi médical au CMP de Montmélian.

Je fais mes courses à Intermarché, à Montmélian, une fois par semaine, et à Super U. Parfois j'achète de la viande à Chambéry le jour du marché.

Tous les 14 juillet, je vais à la fête organisée à Montmélian, d'abord le midi, puis le soir avec le feu d'artifice.

J'ai vu des conférences, j'y ai posé des questions. C'était enrichissant.

Chaque année, je vais passer deux ou trois jours à Genêve. Je prends le train, je passe la frontière suisse avec ma carte d'identité. Je vais à l'hôtel. Mais je n'ai pas visité beaucoup la ville. Je me promène dans les rues principales proches de la gare, jusqu'au jet d'eau. Une année, j'ai fait la connaissance de deux femmes très sympathiques. Nous sommes allés au restaurant, en discothèque jusqu'à deux heures du matin. Puis j'ai rejoint l'hôtel et le lendemain matin je suis rentré à Montmélian.

En octobre 2000, ma soeur Hakima m'a appelé au téléphone. Elle était en concubinage. Je suis allé la voir à Marseille. Je ne l'avais pas vue depuis 25 ans. Je suis resté une semaine avec elle. Elle s'est mariée 9 mois après, selon le rite musulman. Après, elle a eu un enfant, un garçon, et je suis retourné la voir. Depuis, je retourne à Marseille régulièrement. Je vais chez ma soeur, je vais à la plage, au bistrot. Je discute avec ses voisins arabes. Maintenant, elle a deux enfants, un garçon et une fille.

Ma soeur m'a téléphoné en 2009 et m'a dit : "Je t'ai trouvé une femme, elle s'appelle Hamida, elle est en Algérie." J'ai accepté. Elle est cousine avec le mari de ma soeur. Ma soeur m'a donné son téléphone et je lui ai téléphoné une première fois. Elle m'a dit qu'elle était d'accord pour me rejoindre en France et vivre avec moi. Je lui ai demandé sa photo. Elle m'a plu. Nous nous sommes téléphoné plusieurs fois.
En 2010, au mois d'août, j'ai acheté un billet d'avion et je suis reparti en Algérie voir mes frères et soeurs. Mes parents étaient décédés dans les années 2000. Ma soeur m'a présenté à Hamida, avec qui j'ai fait connaissance. Le lendemain, j'étais avec ma famille et elle est venue me voir. On a discuté ensemble. Elle était sérieuse.

Un mois après, je suis allé à Oran pour établir un certificat de capacité à mariage. J'ai profité de ce voyage pour aller à Blida, dans la montagne, où il y a un jet d'eau. Puis je suis revenu en France et trois mois après, j'ai reçu le certificat. Après cela, je suis reparti trois fois en Algérie pour la revoir et faire les papiers pour qu'elle me rejoigne en France, entre autres choses l'établissement d'un acte de mariage avec un passeport français.
J'ai envoyé les papiers à Nantes, au Service d'Etat Civil. Son dossier a été accepté et elle doit me rejoindre au mois d'octobre pour vivre avec moi en France.

J'ai régulièrement des nouvelles de ma famille en Algérie. Je les appelle avec mon téléphone portable. Ca me coûte 5 euros pour deux appels.

Gilles Rettab, 2 février 2013

Ce texte est issu d'une série de séances d'écriture qui se sont déroulées entre janvier 2012 et février 2013, au cours desquelles Gilles Rettab a partagé avec moi ses souvenirs et m'a dicté ce texte. Julien Guerraz




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2 commentaires



Stef05-11-2017

je suis heureuse de mieux te connaitre.

monje24-07-2017

J'ai lu pour l'essentiel ta biographie : Quelle vie !!!


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