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La nouvelle directive européenne sur le droit d’auteur (2019)






Le droit d’auteur a longtemps fait parler et avec les nouvelles technologies, revoir sa copie était devenu indispensable pour protéger les artistes et leurs ayants droits. Après de longues années de tergiversations, le nouveau texte a été voté le 26 mars 2019.


Une histoire riche, prélude au concept actuel


Le droit d’auteur est une notion complexe mais qui, contrairement à ce que l’on pourrait penser, n’est pas récente. Déjà dans la Grèce antique, on peut trouver des traces de volonté d’individualiser ses écrits. Toutefois, c’est avec l’invention de l’imprimerie et la diffusion plus massive des textes que les auteurs ont cherché à protéger leurs biens. 
Le premier à avoir ouvert la voie fut John Milton, qui en 1667 a vendu une licence à son éditeur pour son poème « Paradise in Lost ».

La première loi digne de ce nom relative au droit d’auteur date de 1710. Il s’agit du texte britannique  « Statute of Anne »  qui, toutefois, se concentre sur le pillage des oeuvres imprimées.
Le droit d’auteur tel qu’on le connaît aujourd’hui est véritablement né lors de la Révolution française mais aussi avec la Constitution américaine de 1787. On met alors la personnalité unique de l’auteur et de ses écrits en avant. En 1777, la première société d’auteurs voit le jour sous l’égide de Beaumarchais. L’Assemblée nationale adopte, quant à elle, la première loi sur le droit d’auteur en 1791 en France.

Un siècle plus tard (1886), la Convention de Berne va accorder une protection des oeuvres tant artistiques que littéraires sur le plan international.
Le droit d’auteur a connu peu de changements jusqu’en 1996 avec les traités WPPT et WCT de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, ratifiés en 2002.
Ce concept a été revisité par le Parlement européen dès 2016. Trois ans plus tard, le 26 mars 2019 précisément, le droit de la propriété intellectuelle nouvelle version a été voté.
C’était pour beaucoup une nécessité. Les oeuvres étant aujourd’hui diffusées par les canaux modernes, majoritairement le net, ne sont en effet pas toujours bien prises en compte.


Une naissance difficile


Concevoir une nouvelle directive dans le domaine du copyright ne s’est pas fait en un jour. De longues discussions ont eu lieu entre 2016 et 2018, année pendant lesquelles les premières dissensions se sont fait ouvertement connaître.
Début juillet, premier rejet du texte par le Parlement européen et ce contre toute attente comme le souligne Denis BOUCHEZ, le directeur général du Syndicat de la presse quotidienne nationale française : 

« Nous pensions que tous les acteurs étaient convaincus »

Le problème majeur serait dû aux plateformes en ligne diffusant des extraits de livres ou d’articles. L’article 11 imposait alors de rémunérer ces diffusions. L’article 13 imposait, quant à lui, des accords avec les ayants droits. Les géants du web ont refusé. On montre du doigt le lobbying provenant des géants de la Silicon Valley, dont Wikipédia et les GAFA, qui ont oeuvré pour conserver leurs prérogatives à diffuser des textes sans payer de droits.  

« La campagne violente et virulente organisée par les GAFA [Google, Apple, Facebook, Amazon] a malheureusement porté ses fruits. Il faut le marteler : ceux-ci diffusent massivement les œuvres des artistes européens, souvent sans autorisation, ni rémunération adéquate. Cette injustice qui met en danger la pérennité du financement de la culture en Europe ne peut plus durer. », Virginie ROZIERE, chef de file de la délégation socialiste et radicale de gauche

Le représentant européen de ces acteurs - l’Edima - a salué ce retrait pourtant soutenu par de nombreux artistes. Les artistes - plus de 170 artistes ont signé une tribune parmi lesquels Benjamin Biolay, Alain Chamfort... - et leurs représentants ont gagné, le GAFAM a connu une défaite. Mais la guerre n'était pas terminée. 
En septembre, le Parlement doit statuer sur un nouveau texte, très proche du texte originel et cette fois-ci le ratifie. Mais là encore tout n’est pas gagné et des négociations débutent entre les principaux acteurs : la Commission à l’origine du projet, le Parlement et des représentants des différents acteurs artistiques. Ce "trilogue" s’achève mi-février avec un accord des trois parties. Ce traité vise à harmoniser au mieux les règles complexes du droit d’auteur. Mais les articles 15 - anciennement 11 - et 17 - ex 13 - restent des cibles majeures pour les géants du web. 


Des négociations à couteaux tirés


Sur le net, on le sait, il est possible de publier ses propres textes mais aussi des extraits tirés d’ouvrages ou d’articles sans devoir régler les droits d’auteur aux artistes ou ayant droit. C’est ici que l’article 17 s’immisce. Il veut imposer aux plateformes de mettre en place des accords avec le titulaire des droits. Ceux-ci devront alors être rémunérés lorsqu’un de leurs textes sera publié avec ou sans son accord. Sans cet accord, la plateforme devra payer. 
Elle pourra cependant, si elle prouve qu’elle a tout fait pour obtenir un accord et qu’elle a tenté par tous les moyens de retirer ces textes de son site, ne pas régler les droits.


L’utilisation des différents contenus par les plateformes en ligne


Le droit d’auteur a été majoritairement renégocié pour une diffusion sur le net plus juste. La Commission voulait valoriser les ayants droits en leur permettant de recevoir une contribution. Il était donc important de mettre en place un système de rémunération qui prenne en compte toutes les plateformes, même celles comme YouTube qui ne versait que des sommes dérisoires aux auteurs. Ces dernières ont naturellement voulu bloquer les négociations. Le débat tournait principalement autour du filtrage automatisé. Les critiques venaient du fait que cela entraîne l’utilisation d’un instrument technologique pour mettre en place le droit d’auteur. Il n’y aurait alors plus de distinction entre une diffusion classique et un extrait pour illustrer, par exemple, une critique musicale. 


Lutter contre Google actualités et autres sites d’informations


S’appuyant sur une loi espagnole instituant une réglementation plus drastique des mises en ligne d’articles de presse, la Commission veut établir une juste compensation pour les auteurs qui voient leurs articles publiés - sans leur consentement - sur ces plateformes. De même pour les liens vers ces écrits. Les opposants ont alors mis en lumière que les informations pouvaient être accompagnées d’images ou d’extraits de textes pour présenter le lien sans diffuser une information particulière. Cette taxe sur l’hyperlien, comme on l’appelle alors, a obligé l’Europe à revoir sa copie.


La fouille automatique des données, un cas à part


Lorsqu’un utilisateur cherche une information sur le web, il utilise le TDM ou text and data mining. Il pourra alors obtenir les textes traitant du sujet recherché. Mais ces textes sont normalement soumis au droit d’auteur. Les opposants mentionnent alors leur volonté de voir la réglementation adoptée par les organismes de recherches privés mais aussi les entreprises.


Après un long travail vient le  temps du vote


On peut le voir, le droit d’auteur est une préoccupation majeure pour le Parlement européen mais aussi pour les artistes et autres sites web. Les négociations ont pris fin en avril 2019 avec la ratification d’abord du Parlement - le 26 mars - puis du Conseil européen le 15 avril. Une meilleure rémunération des auteurs a donc été validée. Celle-ci prendra en compte les contenus mis sur les plateformes en ligne.
Ces nouvelles règles s’appliquent donc tant aux ayant droits et auteurs qu’aux utilisateurs des contenus. Les premiers pourront toujours autoriser ou non la diffusion de leurs oeuvres et obtenir une rémunération. Les seconds pourront, quant à eux, diffuser les oeuvres sous certaines conditions.

Le texte voté vise à « obtenir de meilleurs accords de rémunération » pour l'utilisation de leurs œuvres et contenus. 


Qu’en est-il aujourd’hui de l’utilisation des contenus par les sites ?


On a eu peur de la censure. On s’est battu pour éviter cela. Au final, le nouveau texte responsabilise les plateformes qui devront négocier avec les ayants droits pour utiliser les oeuvres en totalité ou partiellement. Dans le cas d’une non-rémunération, le texte devra être retiré. Des exceptions sont présentes : dans le cas d’une utilisation parodique, ou si la plateforme présente un CA inférieur à 10 millions d’euros avec moins de 3 ans d’existence.


Les articles de presse et l’article 15


Le «droit voisin» concerne, quant à lui, les contenus utilisés par les plateformes en ligne, tirés d’articles de presse. La rémunération doit avoir lieu durant deux ans après la mise en ligne du texte.
Là encore, on peut trouver des exceptions. Ainsi, lorsqu’il s’agit de simples liens vers un article, aucune rémunération n’est mise en place. De même lorsque l’article publié n’est pas destiné à des fins commerciales. Une plateforme qui n’utilise que des « mots individuels » ou de « très courts extraits » n’aura pas à payer...
Facebook et Google peuvent donc faire partager des articles sans avoir à se préoccuper des droits d’auteur s’ils n’indiquent que quelques mots-clefs et un lien.

L’article 15 a été validé dans sa totalité. Lorsqu’un article est réutilisé, il devra être payé. Dans le cas d’extraits courts ou de liens, aucune rémunération n’est prévue.


Le problème de la fouille automatique de textes et des données


Lorsque l’on réalise une recherche sur internet, on trouve souvent des résultats soumis au droit d’auteur. Ce domaine - le text and data mining (TDM) - concerne donc le droit d’auteur. Il faut cependant, pour faciliter l’accès à un maximum d’informations, ne pas filtrer les oeuvres concernées. La Commission a donc réfléchi et a instauré une exception en lien avec les « reproductions et extractions effectuées par des organismes de recherche, en vue de procéder à une fouille de textes et de données ». Les chercheurs pourront ainsi obtenir des résultats complets et les moteurs de recherche n’auront pas à payer pour afficher des extraits.
L'article 17 s’inspire largement de ce qui est déjà présent sur YouTube. Le filtrage généralisé - des filtres sont posés pour rechercher les textes et les personnes qui les envoient - va imposer des recherches avant de condamner le responsable. Car selon la taille du site et sa nature mais aussi des oeuvres mises en ligne, l’infraction est différente. Le filtrage va donc imposer la détection du vrai responsable afin de le condamner. Les géants peuvent alors facilement se dégager de cette obligation vis-à-vis des oeuvres protégées. Mais, comme nous l’avons déjà mentionné, les entreprises au chiffre d’affaires inférieur à 10 millions d’euros n’auront aucune obligation dans ce domaine tout comme les sociétés de moins de 3 ans.
Si le texte publié est utilisé par plus de 5 millions d’internautes, le filtrage devra être mis en place.
Autre exception, les plateformes comme Wikipédia pourront exploiter les textes sans avoir à régler de droits d’auteur.
La limite est donc très mince entre ceux qui devront payer et les autres. Plusieurs ont aussi craint que l’article 17 freine les détournements, par exemple, de certaines vidéos. L’article prévoit alors des exceptions - intégrées dans les filtres automatiques : les mises en ligne des citations, de parodies ou encore de pastiches ne seront pas concernées par le droit d’auteur. La liberté d’expression reste de mise !


Qu’a-t-on pensé de cette nouvelle version des droits d’auteur ?
 

Le vote a eu lieu mais aucune majorité réelle n’a été constatée parmi les différents groupes européens. Les eurodéputés approuvent dans leur grande majorité mais soulignent que le texte n’est que l’introduction à un droit d’auteur plus complet et répondant à chaque besoin. 

« Cette directive représente un véritable progrès qui permet de corriger une situation ayant permis à quelques entreprises de gagner d'énormes sommes d'argent sans rémunérer correctement les milliers de créateurs et de journalistes dont elles dépendent », Axel VOSS

Pour l'élu de la droite européenne, Axel VOSS il existe des exceptions qui « garantiront qu’internet reste un espace de libre expression ». En définitive, pour M. VOSS, le texte va aider à « préparer l’internet du futur, un espace qui profite à tout le monde et pas uniquement à quelques puissants ».

On trouve plusieurs eurodéputés se félicitant de ce vote.

Virginie ROZIERE et Pervenche BERES, eurodéputées membres des socialistes et démocrates, « une victoire historique pour la culture et la liberté de la presse au XXIème siècle ». Ce nouveau texte va « rééquilibrer le rapport de forces en défendant ceux qui font, ceux qui créent, tout simplement car tout travail mérite salaire ».

La Société des auteurs de l'audiovisuel accepte ces nouvelles règles avec enthousiasme affirmant qu’il s’agit d’un « grand accomplissement pour les auteurs européens», tout comme la Fédération européennes des journalistes qui met en avant les «dispositions clés pour le secteur de l’information et les auteurs, [avec] notamment un droit pour les journalistes à une part des revenus générés en ligne grâce à leur travail ».
À l’inverse, les opposants comme Julia REDA, la députée du Parti pirate allemand, y ont vu une « journée noire pour les libertés sur internet ».





Google, quant à lui, indique :

« La directive sur le droit d’auteur a été améliorée mais nous restons préoccupés (..) elle va conduire à une insécurité juridique et va nuire aux économies créatives et numériques européennes »

Aujourd'hui, le texte relatif au droit d’auteur doit être adopté dans chaque pays. Les luttes ne sont donc pas terminées.





nathluli






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